Marie-Madeleine Pioche de La Vergne est née à Paris en
1634. Son père était écuyer et il appartenait à l'entourage du cardinal de
Richelieu. Sa mère, fille d'un médecin du roi Louis XIII, était au service de
Mme de Combalet, nièce du cardinal de Richelieu. La future Madame de La Fayette était de petite
noblesse mais son érudition, sa beauté et la richesse de sa famille, lui ont
ouvert les portes des salons parisiens. Son père est mort alors qu'elle n'avait
que quinze ans. L'année suivante sa mère s’est remariée avec le chevalier
Renaud de Sévigné, l'oncle de la
Marquise de Sévigné ; cette dernière est devenue l'amie
intime de Marie-Madeleine. A seize ans, Marie-Madeleine fréquentait les salons
de Mademoiselle de Scudéry et l'hôtel de Rambouillet. Elle est devenue
demoiselle d'honneur de la régente Anne d'Autriche et s’est retrouvée à la
cour.
Cinq ans plus tard, en 1655, elle a épousé le
comte de La Fayette. M. de La
Fayette , officier en retraite, âgé de 38 ans, veuf, était
d'une grande noblesse, mais il était sans argent. Ce mariage de raison (il
avait 17 ans de plus qu'elle) a valu à Marie-Madeleine une vie sans passion
mais sans tragédie. Les époux ont adopté un mode de vie satisfaisant pour tous
les deux : elle fréquentait les salons parisiens, tandis que le comte
restait sur ses terres d'Auvergne. Madame de La Fayette s’est installée
dans son prestigieux hôtel de la rue Vaugirard et y a ouvert son propre salon.
Son hôtel était le rendez-vous des personnes les plus
célèbres de son temps, entre autres, Huet, Ménage,
La Fontaine et Segrais. Ses amies les plus proches étaient sa cousine, Mme de
Sévigné, et Henriette d'Angleterre, la belle-sœur du roi.
En 1660, Madame de La Fayette
a noué une relation d'amitié avec La Rochefoucauld. Leur amitié a duré jusqu'à
la mort de La Rochefoucauld en 1680. La Rochefoucauld et plusieurs de ses amis
ont poussé Madame de La Fayette à écrire et ils ont collaboré avec elle. Elle a
refusé de signer ses récits par son propre nom ou de prendre un pseudonyme.
Elle a donc publié ses œuvres comme anonymes ou choisi le nom de l'un de ses
amis (notamment Segrais) qui les signait à sa place. Du fait de l’absence de
signature de ses œuvres, on ne peut que discuter de leur vraie paternité. Sauf La Princesse de Montpensier, on ne peut
pas affirmer en toute certitude qu’elle est auteur des autres livres.
Néanmoins, il y avait certains auteurs qui ne voulaient pas faire ignorer
Madame de La Fayette en tant que l’auteur de ces œuvres.
« Il [Segrais] ne voulut pourtant pas
qu'on ignorât qu'elle en était l'auteur; il a écrit ces propres paroles : La Princesse de Clèves est de madame de La
Fayette : Zaïde est aussi d'elle. Il est vrai que j'y ai eu quelque part, mais
seulement pour la disposition du roman. Huet, évêque d'Avranches, joignit son
témoignage à celui de Ségrais, en déclarant qu'il avait vu madame de La Fayette
composer Zaïde, et qu'elle le lui avait communiqué tout entier pièce à pièce. ».
On connaît très peu la vie de Madame de La
Fayette ; elle aimait s’entourer de mystère et donc on ignore toujours ce
qu’elle pensait, et quel était son état d’esprit.
En 1662, elle a publié une nouvelle historique : La
Princesse de Montpensier (écrite
au cours de l’été 1661). En 1670, le roman espagnol Zaïde, écrit pour
divertir La Rochefoucauld, est publié. C’est une œuvre collective à laquelle
ont collaboré ses deux amis, Huet et Segrais, et qui est parue sous le nom de
ce dernier. Le succès de Zaïde n’est
pas moins vif que celui de La Princesse de Montpensier et il encourage Madame
de La Fayette
à tenter une nouvelle expérience, encore plus ambitieuse. Elle aurait mis six
ans pour écrire son chef-d’œuvre : La
Princesse de Clèves,
paru enfin en 1678 et qui a apporté à Madame de La Fayette un immense succès.
Comme les deux livres qui l’ont précédé, La
Princesse de Clèves ne porte pas de nom d’auteur. Deux ans après la
parution de La Princesse de Clèves,
en 1680, La Rochefoucauld est mort. Trois ans plus tard, en 1683, c'est
son mari, le Comte de La
Fayette , qui meurt. Madame de la Fayette s’est retirée pour
se consacrer à la religion. Elle est décédée en 1693. Après sa mort on a publié
La Comtesse
de Tende (en 1718), L’Histoire
d’Henriette d’Angleterre (publié en 1720 à Amsterdam) et Mémoires de la Cour de France, pour les
années 1688 et 1689 (publié en 1731 à Amsterdam aussi), qui ne sont, pour
ainsi dire que des fragments de textes qu’elle a composés. De plus, on doit
aussi à Madame de La Fayette
quelques maximes, qui seraient dignes de La Rochefoucauld ;
celle-ci par exemple : « Celui qui se met au-dessus des autres,
quelqu’esprit qu’il ait, se met au-dessous de son esprit. ».
L’époque de Madame de La Fayette
L’époque à laquelle Madame de
La Fayette vivait est caractérisée par :
la préciosité. La préciosité proprement dite consistait dans « un
désir d’émancipation de la femme par le refus du mariage, lien juridique pesant
qui subordonnait entièrement l’épouse à la tutelle maritale. ». Néanmoins
la préciosité se déployait également dans la littérature et elle était un des
courants littéraires du XVIIe siècle. Ce mouvement signifiait en
même temps un nouveau mode de vie et une nouvelle philosophie. Ce nouveau
mouvement, qui est devenu aussi une certaine vogue du XVIIe siècle,
demandait également des nouveaux lieux pour pouvoir se répandre ; c’est
ainsi que les salons mondains étaient créés. La préciosité se développe entre
1610 et 1660 dans les salons.
Madame de La Fayette est
actuellement considérée comme une précieuse parce qu’elle fréquentait les
salons et elle s’est mise à écrire des narrations dont le thème principal était
l’amour, le thème préféré des précieux et aussi largement cultivé dans les
salons. Une autre marque apparente de la préciosité dans l’œuvre de Madame de
La Fayette est l’idéal précieux manifesté par les personnages principaux, par
exemple la princesse de Clèves et le duc de Nemours. Tous les deux sont beaux,
intelligents et gracieux. Même le désir du duc de Nemours de faire tout pour se
faire aimer de la princesse est un procédé précieux. La langue que Madame de La
Fayette emploie est aussi une sorte de vocabulaire précieux par ses expressions
vagues et abstraites. Elle les utilise surtout en décrivant la magnificence et
la grandeur de la cour, aussi un thème précieux.
L’œuvre de Madame de La Fayette
Son premier récit, La
Princesse de
Montpensier, a été probablement inspiré par ce que Madame de La Fayette voyait à la cour.
C’est une nouvelle à clef, dont les personnages habitent à la cour de François
Ier et Henri II et qui représentent les vrais personnages de la cour
de Louis XIV, et dont l’intrigue est en fait une transposition de la relation
du roi avec Henriette d’Orléans.
Madame de La Fayette était
morte depuis une vingtaine d’années lorsque le Mercure galant a publié pour la première fois, sans nom d’auteur,
sa nouvelle La Comtesse de Tende. On
ignore la date exacte de la composition, mais, d’après une lettre à Ménage qui
y faisait allusion on peut supposer que La
Comtesse de Tende a suivi immédiatement La
Princesse de Montpensier et a précédé La
Princesse de Clèves d’une quinzaine d’années environ. En quelques vingt
pages, ce récit concentre les thèmes majeurs que Madame de La Fayette
développera dans son chef-d’œuvre.
Par sa longueur et son contenu
Zaïde apparaît comme une exception
dans l’œuvre de Madame de La Fayette. L’action de Zaïde est tournée vers l’extérieur et comprend cinq histoires
intercalées. Sa conception est plutôt archaïque, elle renoue avec la tradition
héroïque, disons baroque, avec ses tempêtes, ses naufrages, ses déguisements et
ses reconnaissances. La narration de cette œuvre quitte la cour française car
Madame de La Fayette a transporté l’action de ce roman dans l’Espagne du IXe
siècle. Cependant le thème principal, comme dans les autres récits de Madame de
La Fayette, est l’amour et la passion amoureuse à laquelle personne ne peut
échapper : « Comme toujours, selon la conception classique,
c’est-à-dire pessimiste, de l’amour, celui-ci s’empare de sa victime en un
instant pour ne plus le lâcher. ».
Ce n’est que dans cette œuvre
que l’art de Madame de La Fayette culmine. Les critiques estiment que
l’histoire de cet ouvrage pourrait être inspirée par la relation de Madame de La Fayette et du duc de la
Rochefoucauld. L’auteur a implanté son drame personnel dans le contexte
historique. Par cette œuvre Madame de La Fayette a créée une forme toute nouvelle et toute
novatrice qui est restée unique pendant un siècle, même si elle avait de
nombreux imitateurs. C’est justement la brièveté, la densité de l’observation
psychologique et le cadre historique qui sont devenus modèles pour de multiples
romanciers du début du XVIIIe siècle. Les narrations de Madame de La
Fayette sont passées pour un modèle du genre. Au lieu des aventures
extérieures, des intrigues multiples et des épisodes étendus, Madame de La Fayette se concentre sur
l’analyse des cœurs et des personnages. Jusqu’ici toutes les œuvres prosaïques
traitaient les amours des gens célibataires qui, en général, finissaient par le
mariage. Madame de La Fayette ,
au contraire, commence par le mariage et elle peint l’amour passionné d’une
femme mariée pour un homme, qui n’est pas son mari. Elle le peint non comme une
aventure frivole mais comme un terrible pouvoir fatal qui dévore le cœur et qui
mène à la destruction. Cependant Madame de La Fayette a tiré les thèmes pour
ses narrations de la vie réelle à laquelle elle assistait autour d’elle.
Elle-même disait de son œuvre : « Ce n’est pas un roman. », car
elle se considérait plutôt comme mémorialiste qu’un auteur de fiction. C’est
pour cette raison que les multiples critiques et auteurs suggèrent que c’est la
vie propre de Madame de La Fayette qui a servi de modèle de La Princesse de Clèves, notamment.
La Princesse
de Clèves
La publication de La Princesse de Clèves était
immédiatement perçue comme un événement. A travers les éloges, les critiques,
les interrogations qui se sont élevés à son sujet, une chose paraissait
claire : cette œuvre posait aux contemporains des questions essentielles.
« Tout de suite, on comprit qu’il y avait là autre chose qu’un simple
roman : un exemple d’attitude morale, la mise en récit d’une éthique à la
fois personnelle et universelle, historique et structurelle, autour de laquelle
on se mit à débattre avec ferveur. […] La problématique mise en avant ramenait
la signification de l’œuvre à un choix de conscience. ». Le livre a fait
autant de bruit qu’il a éclipsé pour longtemps la production romanesque du
siècle entier. On déclarait, et on le croyait inconditionnellement, que le
roman français était né avec La Princesse
de Clèves. Le roman héroïque, pastoral, comique s’est fait dépasser par ce
nouveau récit basé sur les valeurs du devoir, de la raison et de la bienséance.
Résumé
A la cour d'Henri II, à Paris,
le jeune prince de Clèves rencontre Mlle de Chartres, jeune, belle et
charmante ; il gagne son estime et l'épouse. Mais, peu après son mariage,
la nouvelle princesse de Clèves rencontre à un bal le duc de Nemours, très
séduisant et admiré par toutes les dames de la cour. Mme de Clèves commence à
sentir l’attirance et l’inclination vers le duc. Après une courte retraite à la
campagne, la princesse revient à Paris avec l'espoir de pouvoir maîtriser ses
sentiments. Mais elle n’arrive pas à les dissimuler au duc, qui dérobe l'un de
ses portraits. À l'occasion de la lecture d'une lettre galante, que la
princesse croit être adressée à M. de Nemours, elle découvre les tourments
de la jalousie. Persuadée des dangers de l’amour, la princesse de Clèves
choisit de quitter la cour. Son mari pourtant ne comprend pas les raisons de sa
fuite et elle lui fait alors l'aveu de sa passion tandis que le duc de Nemours,
caché, écoute. Le duc, convaincu du fait d’être aimé, révèle imprudemment en
public le secret de cette aventure et soudain c’est la cour entière qui en
parle. Le mari, l’épouse et l’amant sont torturés par les soupçons et la jalousie.
La princesse se retire à la campagne où elle est espionnée par un sujet du
prince. M. de Nemours ne peut pas supporter l’absence de la princesse et il
parvient à la revoir. M. de Clèves croit avoir été trahi par sa femme et il
meurt de chagrin. La princesse finit par avouer son amour à Nemours, mais elle
refuse de l'épouser même si elle est de nouveau libre et elle se retire dans
une maison religieuse.
Les personnages
M. de Nemours - Ce "Don Juan" est parti au début
en Angleterre. Quand il rentre, il tombe amoureux de la Princesse de Clèves au
bal des fiançailles où ils dansent ensemble. Le comportement de Monsieur de
Nemours change beaucoup immédiamment après ce rendez-vous.
La princesse de Clèves/Mlle
de Chartres - Mademoiselle
de Chartres, devenue Madame de Clèves est le héros de La Princesse de Clèves.
Elle se marie avec le Prince de Clèves, mais après qu'elle rencontre Monsieur
de Nemours au bal des fiançailles, elle passe ses jours à lutter contre sa
passion pour celui qui n'est pas son mari.
Le prince de Clèves
- Monsieur de Clèves
tombe totalement amoureux de Mademoiselle de Chartres. Il se marie avec elle
après la mort de son père, qui n'approuve pas le mariage d'abord pour des
raisons politiques. Son amour pour la Princesse de Clèves reste fort tout au
long du roman.
Mme de Chartres - Madame de Chartres est la mère vertueuse
de la Princesse de Clèves. Elle meurt pendant la première partie du roman, où
elle donne à sa fille des conseils à propos de ce qu'elle constate entre sa
fille et Monsieur de Nemours.
Henri II - Il est le roi pour la plupart du roman
avant qu'il ne soit fatalement blessé lors d'un tournoi vers la fin.
Catherine de Médicis - Elle est la reine. A propos de Diane de
Poitiers, elle est experte de la bienséance: "L'humeur ambitieuse de la
reine lui faisait trouver une grande douceur à régner; il semblait qu'elle
souffrît sans peine l'attachement du roi pour la duchesse de Valentinois, et
elle n'en témoignait aucune jalousie ; mais elle avait une si profonde
dissimulation, qu'il était difficile de juger de ses sentiments, et la
politique l'obligeait d'approcher cette duchesse de sa personne, afin d'en
approcher aussi le roi. Ce prince aimait le commerce des femmes, même de celles
dont il n'était pas amoureux : il demeurait tous les jours chez la reine à
l'heure du cercle, où tout ce qu'il y avait de plus beau et de mieux fait, de
l'un et de l'autre sexe, ne manquait pas de se trouver."
Diane de Poitiers - Diane de Poitiers fait partie de la
cour, et elle n'aime pas la Princesse de Clèves pour des raisons politiques: "Ce
n'est pas que cette beauté lui donnât de l'ombrage : une trop longue expérience
lui avait appris qu'elle n'avait rien à craindre auprès du roi ; mais elle
avait tant de haine pour le vidame de Chartres, qu'elle avait souhaité
d'attacher à elle par le mariage d'une de ses filles, et qui s'était attaché à
la reine, qu'elle ne pouvait regarder favorablement une personne qui portait
son nom, et pour qui il faisait paraître une grande amitié."
Mlle de la Marck - Mademoiselle de la Marck va se marier
avec le deuxieme fils du connétable de Montmorency, Monsieur d'Anvilles, qui
est éperdument amoureux de la dauphine, Mary Stuart.
François Ier - Il est déjà mort, mais il est mentionné
pendant la première partie lorsque Madame de La Fayette parle de la cour et le
règne de Henri II, son deuxième fils.
Marguerite de France - Appellée Madame soeur du roi, elle fait
partie de la cour.
La forme de l’œuvre
La Princesse de Clèves respecte la
narration linéaire et suit un ordre chronologique. Sa composition dramatique
est claire et simple. Cette œuvre est constituée par quatre récits insérés, qui
pourraient éventuellement apparaître comme une survivance baroque, mais ces
quatre narrations sont liées à l’intrigue principale. Le roman ne décrit même
pas la vie des héros, mais plutôt le début et la fin de la passion qui dévore
la princesse. Ce récit se plie à la bienséance et à la vraisemblance et donc
certaines scènes respectent le goût de l’époque. C’est à cause de ceci que les pouvoirs des magiciens,
par exemple, aussi chers au baroque, cèdent la place aux conversations
mondaines. La narration est imprégnée par un certain pessimisme, qui s’est fait
sentir dans la société classique et qui aussi influence la perception de l’amour.
L’amour suscite des questions sur la fidélité maritale, l’incertitude de
l’existence ou le sens profond de la vie
L’amour, ou bien la passion, n’est pas la source du bonheur ni de la
vertu. Il provoque des sentiments de culpabilité qui finissent par la perte des
amants ou par leur mort. La Princesse de
Clèves fait aussi preuve de la nouvelle façon d’écrire la fiction :
l’analyse psychologique, surtout par ses monologues et les interrogations qui
mènent à l’exploration profonde de la vie intérieure de l’héroïne.
Dans
cette nouvelle on trouve une narration historique et une fiction entremêlées.
L’auteur nous propose un ancrage historique qui suit la chronologie précise des
dernières années du règne d’Henri II et introduit en même temps des personnages
historiques de la cour. Cependant les personnages principaux sont purement
fictifs et l’action centrale est entièrement inventée de sorte que l’histoire
n’est là que pour servir de cadre qui garantit la vraisemblance.
Conclusion
La vie et l’inspiration de Madame
de La Fayette sont entourées du mystère. Elle n’a pas laissé de mémoires et ses
amis ne lui ont consacré que quelques lignes ordinaires. Il est donc difficile
de percer sa vie et son secret. Les récits qu’on lui attribue sont
extraordinaires, leur authenticité douteuse, cependant leur influence n’a pas
connu de concurrence. La héroïne dans La
Princesse de Clèves, ne peut pas gagner son propre cœur. La conception de
l’amour de Madame de La Fayette nous amène vers la conclusion que n’importe
quelle décision la héroïne prendra, la fatalité des ses action et la mort sont
inévitables.